Oyasumi Punpun (Bonne nuit Punpun) est un manga écrit et dessiné par Inio Asano entre 2007 et 2008. De son enfance jusqu’à son arrivée à l’âge adulte, nous suivons Punpun dans son évolution. Sous couvert d’un prénom mignon et d’un personnage représenté par un oiseau qu’on croirait dessiné par un enfant, ne vous y trompez pas, c’est une histoire brutale et tragique.
Inio Asano est un mangaka japonais. Né en 1980, il a été l'assistant de Shin Takahashi (auteur de Larme Ultime) avant de prendre son envol. Il se fait remarquer avec le manga Bonjour de l'espace (2001) pour lequel il remporte le prix GX des jeunes auteurs.
Mais c'est avec Le Quartier de la lumière et Solanin publiés en 2005 qu'il se fait un nom auprès du grand public. Entre 2003 et 2008 il publie Bonne nuit Punpun, manga immédiatement acclamé par la critique et qui est aujourd'hui considéré comme un chef d'œuvre du Slice of life ("tranche de vie").
Punpun Punyama est un enfant timide et effacé qui tombe amoureux de Aiko, une fillette nouvellement arrivée dans sa classe de CM1. Comme la plupart des enfants, il passe des heures à jouer avec son groupe d’amis et regarde passer le temps à l’école. La vie s’écoule paisiblement jusqu’au jour où son père ne rentre pas à la maison : il est en prison pour avoir frappé sa mère. Peu bavard et passif, il subit et s’abandonne totalement aux jugements des autres. Mais un triste jour Punpun prend une décision pour la première fois de sa vie et l'horreur s'immisce peu à peu dans son quotidien…
Bien que le décor et l’entourage du héros soient dessinés avec un réalisme millimétré, Punpun et sa famille sont représentés dans un style surréaliste. Ils sont les seuls à être dessinés comme des oiseaux dans un monde d’humains. Ce choix a une double utilité : il permet au lecteur de s’identifier plus facilement au personnage et souligne la dysfonctionnalité de la famille Punyama par rapport à l’image modèle de la famille que renvoie la société.
Le surréalisme est aussi subtilement utilisé pendant l’enfance de Punpun. Les adultes, et plus particulièrement les professeurs, apparaissent le visage déformé. D’une part, ces déformations mettent en lumière la peur que peut ressentir un enfant face aux adultes, et d’autre part elles sont le symbole de la violence du monde des grandes personnes. Une dysmorphie qui finit par contaminer Punpun lorsqu’il deviendra adulte : plus il évoluera dans la violence, plus ses traits d’oiseau innocent deviendront à leur tour sales et difformes.
Sous l’apparence d’un manga d’apprentissage classique, le surréalisme cauchemardesque envahit les planches jusqu’à les recouvrir entièrement dans le dernier tome. A la croisée du regard d’un enfant craintif et d'une vision réaliste de la violence, le choix stylistique et symbolique du dessin est sans aucun doute l’élément le plus magistralement construit dans le manga. Le fond épouse la forme avec finesse et intelligence.
A l’origine, un héros de manga est un optimiste avec une volonté de fer qui endurera le pire pour atteindre son but. Le lecteur suit son évolution, ses souffrances et ses échecs jusqu’à le voir réussir. Dans Bonne nuit Punpun, le lecteur assiste, impuissant, à sa chute. Inio Asano prend le contrepied du schéma classique éculé depuis des dizaines d’années. Il nous montre la vie instable et l’esprit perturbé d’un petit garçon qui devient un homme violent et névrosé. Ce n’est pas l’histoire d’une réussite après avoir enduré la souffrance, mais l’histoire d’une souffrance traumatique qui crée un individu malsain et inadapté à la société qui le laisse de côté.
Pour conclure, c’est une œuvre qui aborde avec complexité la thématique du traumatisme d’enfance et des conséquences dramatiques qu’il peut engendrer dans le silence, non seulement de celui qui le subit, mais aussi de ceux qui ferment les yeux. Avec une intelligence du trait et une virtuosité de l’écriture, la monstruosité au sens étymologique se construit sous nos yeux fascinés et horrifiés.