L’Homme-dé est un roman américain écrit sous le pseudonyme Luke Rhinehart et publié en 1971. Ce livre subversif est, encore aujourd’hui, censuré dans une cinquantaine de pays à travers le monde.  

 couverture

 

Résumé 

Luke Rhinehart, un psychiatre âgé de 32 ans, marié, père de deux enfants devient la cible numéro une du F.B.I. Il est recherché pour avoir créé le chaos dans la société américaine suite à une nouvelle thérapie qu’il expérimente lui-même et diffuse auprès de ses patients : la thérapie par le dé. Le procédé est simple, vous associez un choix à chacun des chiffres présents sur un dé avant de le lancer et vous obéissez aveuglément au résultat. Le dé devient le dieu de votre existence, chaque décision n’est plus de votre ressort mais dépend du saint Dé. Au fur et à mesure, Luke Rhinehart cherche à dépasser les limites, de l’infidélité aux abus sexuels jusqu’à l’homicide. Le psychiatre a engendré la Subversion totale. 

 

Une ode à la liberté… 

A la lecture du résumé, avant même de se plonger dans la lecture de ce roman, il est aisé de comprendre que l’ambition de l’auteur est de jouer avec les codes éthiques de la société occidentale. Le protagoniste est un père de famille, un mari dévoué et un psychiatre reconnu. Il vit le rêve américain et, pourtant, est las de sa vie quotidienne. Il prend conscience, peu à peu, d’être enfermé dans et par des dogmes sociétaux qui l’empêchent d’être tout ce qu’il pourrait être. La société est une enclave à la pleine réalisation de soi et il devient nécessaire de s’en affranchir. Il est évident que le commun des mortels ne peut outrepasser la loi de son gouvernement sans en subir les conséquences, mais qu’en est-il des conséquences que l’on s’impose à soi-même ? Et si vous pouviez être qui vous voulez à toute heure du jour et de la nuit ? Et si vous pouviez faire tout ce dont vous rêvez sans ressentir une once de culpabilité ? Alors vous serez libre, car, aux yeux du psychiatre, la liberté réside dans l’imprévu et l’imprévu naît du hasard. 

 

Ou un simulacre de liberté ?

Mais ne vous laissez pas charmer par cette théorie qui semble rapidement bancale. Si nous choisissons nos choix, est-ce réellement du hasard ? Si nous décidons de lancer les dés, est-ce toujours un hasard ? N’est-ce pas, finalement, une simple parade pour avoir une vie confortable sans s’inquiéter d’être un jour rongé par le remords (car ce sont les dés qui ont choisi) ? Luke Rhinehart réfute cette accusation parce qu’il est nécessaire de choisir des actes monstrueux pour se détruire soi-même. Il est du devoir de l’homme-dé et de la femme-dé de se mettre à l’épreuve. Il faut subir et obéir aveuglément aux dés pour prouver que vous êtes libre de faire et de dé-faire absolument tout ce que vous avez et ce que vous êtes. Vos sentiments, votre éthique et vos désirs n’ont plus aucune importance. Si vos choix deviennent infernaux pour vous-même et que la destruction de votre personnalité est totale, si vous n’êtes plus et  que vous êtes multiple à la fois, vous êtes libre d’être et de ne pas être. En d’autres termes, si vous n’avez plus rien, vous n’avez rien à perdre. 

Mais est-ce réellement dans le dé que se trouve la clé de la liberté individuelle ? Au fur et à mesure, le docteur Rhinehart va perdre sa maîtresse, sa femme, ses enfants, ses collègues et son travail car les dés ont décidé. Il ne se préoccupe pas de son hygiène ou de sa santé car les dés ont décidé. Il commet un meurtre car les dés ont décidé. Il avoue le meurtre car les dés ont décidé. La thérapie par le dé devient, peu à peu, une nouvelle prison dans laquelle plus aucun questionnement éthique n’existe. Le dé, symbole du hasard et, surtout, du jeu de hasard, nous amène à une conclusion simple : ce roman est une farce au sens littéraire. 

 

Une comédie romanesque ? 

Le lecteur s’aperçoit rapidement que le paroxysme est le maître mot du roman. De la vulgarité, de la pornographie, de la violence… tous les éléments sont réunis pour choquer la personne qui aura l’audace d’ouvrir le livre pour en découvrir son contenu. Bien que le psychiatre essaye de remettre en question notre sens moral à l’aide d’un jargon pseudo-scientifique, nous ne sommes pas dupes. L’exagération, autant des personnages du livre que de la diégèse, crée un sentiment de fausseté qui, semble-t-il, soit délibéré de la part de l’auteur. Il est aisé de percevoir dans cette histoire une critique des sectes et des religions, de la Justice, des sociétés capitalistes, des bourgeois, des intellectuels… Le roman ressemble à un miroir déformant qui réfléchit les égouts de l’humanité et se nourrit de cette image pour mieux la recracher par la suite. L’homme-dé est une comédie devant laquelle nous avons honte de sourire, car cette comédie est cauchemardesque. 

 

Perplexité 

Je prends encore quelques minutes de votre temps pour essayer d’émettre un avis, constructif ou non, sur cette lecture. Ce que je sais, c’est que ce roman m’a hantée pendant plusieurs semaines. En revanche, je n’ai pas su et je ne sais toujours pas définir ce qui se trouvait entre mes mains, ce qu’ont découvert mes yeux et ce que la petite voix de lecture dans ma tête lisait. Je dois avouer que cette impression est troublante et inhabituelle pour moi. Ai-je apprécié ce livre ? Je ne saurais répondre. Recommanderai-je ce livre ? Je ne saurais répondre. Je commence à penser que le livre a gagné, je suis intimement convaincue que je ne sais pas si L’homme-dé est un chef d'œuvre ou un enfer littéraire. Je ne sais pas si j’ai tort ou non de l’avoir choisi comme sujet pour mon article. Luke Rhinehart est parvenu à bouleverser mes croyances de lecture et je pense que, quelque part, mon égo de lectrice l’en remercie… ou peut-être pas… 

 

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