Sorti sur nos écrans en 2020, Le Peuple Loup s’impose dans les rétines et dans les cœurs comme une merveille de cinéma d’animation.
L'histoire nous transporte en Irlande, et plus précisément à Kilkenny, en 1650. La rébellion irlandaise a été écrasée par les troupes de Cromwell et la ville se retrouve occupée par l'ennemi anglais. C'est là que vit Robyn, une jeune fille dont le père veuf est chasseur de loups pour le compte de la couronne. Une étrange meute de ces bêtes vivrait en effet dans la forêt aux abords de la cité, empêchant l'abattage des arbres et le défrichage intensif. Insaisissables et particulièrement rusés, ces loups n'ont jamais pu être débusqués. Voulant prouver sa bravoure et désireuse de quitte cet endroit où elle ne se sent ni comprise ni acceptée, Robyn s'enfonce un jour dans les bois. Elle va y rencontrer Mehb, enfant le jour, et qui se transforme en louve la nuit. Car Mehb fait partie des Wolfwalkers, les derniers représentants du Peuple Loup qui ne cherchent qu'à protéger leur habitat et préserver la nature.
Entre les deux petites filles que tout oppose, l'une sauvage et libre et l'autre citadine et déracinée, va naître une profonde amitié. Robyn comprend bien vite que la menace ne se trouve pas du côté des loups mais bien de celui des hommes... Elle va devoir faire un choix, au risque de tout perdre car les soldats anglais n'ont pas renoncé à les traquer...
Réalisé par le cinéaste irlandais Tomm Moore, assisté par son complice peintre et illustrateur Ross Stewart, Le Peuple Loup représente le dernier volet d’un triptyque que les deux hommes ont consacré à la culture celte. Après Brendan et le secret de Kells (2008) et Le Chant de la mer (2014), deux films qui se démarquaient déjà par leur parti-pris visuel et leur inscription dans un contexte historique particulier où le fantastique et le merveilleux, le folklore et la légende avaient déjà toute leur place, Le Peuple Loup va beaucoup plus loin que leurs œuvres précédentes.
Tomm Moore et Ross Stewart
Et tout d'abord dans les thématiques abordés. Tomm Moore et Ross Stewart signent un magnifique conte initiatique où l'amitié, l'écologie, la violence, la place de la femme et de l'enfant sont abordées avec sincérité, sans détours ni facilité, sans simplification abusive non plus. Avec ce qu'il faut de justesse et de légèreté pour être vu et compris par un large public. Mehb et Robyn sont les deux facettes d'une enfance qui interroge le monde des adultes et ses contradictions pour y trouver du sens ainsi que leur place, quitte à en redéfinir les règles. On pense à Princesse Mononoke d'Hayao Miyazaki, autre chef-d’œuvre qui s'avère une source évidente d'inspiration.
Mais les deux réalisateurs, et c'est ce qui caractérise la profonde originalité de leur film, loin d'imiter comme tant d'autres de façon servile et peu inspirée l'un des maîtres du Studio Ghibli, vont au contraire affirmer la singularité de leur univers graphique. Le Peuple Loup incarne à lui seul un accomplissement de toutes leurs recherches stylistiques précédentes. Les volutes de lumières, les arabesques de la nature, le jeu sur les transparences, les effets d'aquarelle et de fusain, les perspectives écrasées y sont en effet travaillés avec un soin méticuleux, rappelant autant les enluminures et les tentures médiévales, l'art celtique que la peinture de Klimt, les couleurs fauvistes que les recherches géométriques des peintres cubistes. Mais c'est aussi dans son montage inventif que le film montre toute sa spécificité : le recours notamment au split screen (division du cadre en plusieurs images différentes) permet en effet de proposer plusieurs échelles de plan, donnant à voir en même temps l'environnement et l'état émotionnel d'un personnage.
Le Peuple Loup s'avère sans conteste une expérience à partager en famille, nous rappelant avec force - si besoin était - pourquoi le cinéma d'animation, dans ce qu'il a de plus beau à offrir et raconter, dispose d'une force poétique et émotionnelle incomparables et qui n'appartiennent qu'à lui. Vous n'êtes pas prêts d'oublier la course folle de Mehb et de Robyn sous la lumière argentée de la lune...
