Présenté au Festival international du Film d'Animation d'Annecy 2022, Summer Ghost est le premier film du dessinateur et illustrateur loundraw.
Ce moyen-métrage s'impose, avec l'élégance, la fragilité et la poésie des premières fois, comme une véritable réussite artistique. Sa richesse thématique et sa force émotionnelle contribuant à inscrire un petit peu plus le cinéma d'animation japonais, à l'instar des films de Makoto Shinkai, dans les préoccupations de sa jeunesse et les problématiques de son temps.
Aoi, Tomoya et Ryo se sont rencontrés sur les réseaux sociaux. Ils ne se connaissent pas et ne se sont jamais vus. Mais les trois lycéens partagent la même curiosité envers la même légende urbaine. A la périphérie de la ville se trouve un vieil aérodrome désormais à l'abandon. Les rumeurs racontent qu'en allumant des pétards feux d'artifice sur l'une des pistes, et selon certaines conditions, un fantôme apparaîtrait...
C'est donc par une nuit d'été, plus propice que les autres pour entrer en contact avec les esprits, que les trois adolescents décident de se rencontrer et de se rendre ensemble à l'aérodrome pour y suivre le rituel. Chacun a ses propres raisons, tenues secrètes, pour rencontrer le fantôme. Et lorsque celui-ci apparaît, sous les traits d'Ayane, une jeune fille espiègle et enjouée, ils vont devoir s'interroger, au fur et à mesure de leurs visites, sur leurs véritables motivations ainsi que sur ce qui les rassemble réellement.
Ayane ne manque d'ailleurs pas de le leur rappeler : "Je ne vois pas tout le monde. Seulement ceux qui essaient de caresser la mort".
Après cette première rencontre décisive, Tomoya, Aoi et Ryo vont apprendre à tomber les masques et s'avouer à eux-mêmes comme aux autres leur rapport à la mort. Quitte à livrer leurs secrets les plus intimes et les plus douloureux. Quitte, aussi, à se réconcilier avec la vie...
En abordant de façon aussi directe le thème du suicide chez les jeunes, surtout pour un premier film qui plus est, loundraw brise un tabou de la société japonaise qui détient malheureusement un triste record. Le taux de suicide y est l'un des plus élevés au monde. Si l'on en croit les chiffres du gouvernement japonais, en 2020, ce sont 415 élèves entre 6 et 18 ans qui se sont donnés la mort, soit une hausse de 31 % par rapport à l'année précédente. A tel point d'ailleurs qu'un nouveau ministère en charge de la lutte contre la solitude et l'isolement a été spécialement créé.
Évidemment, avec un tel sujet, on pouvait craindre une sorte de mélodrame larmoyant, aussi pesant que démonstratif. Heureusement, il n'en est rien. L'écrivain et scénariste Hirotaka Adachi condense son intrigue sur 40 minutes, en privilégiant les ellipses narratives et les contrastes, les révélations et les renversements de perspective, en misant tout sur l'empathie des spectateurs. Et ça fonctionne ! Si l'on y ajoute la puissance visuelle de la mise en scène de loundraw (les séquences de voltige, la découverte du monde de l'au-delà sont particulièrement réussies) Summer Ghost parvient à éviter le piège du film "à thèse" dont le propos éclipserait tout le reste.
Ce qui fait la grande force de Summer Ghost,c'est déjà, d'abord et avant-tout la beauté de ses images. Le travail sur la lumière et les couleurs ainsi que des effets de transparence, participent pour beaucoup à cette ambiance si particulière qui se dégage du film. Une mélancolie diffuse, palpable, dans laquelle tristesse et joie s'unissent et se mélangent comme dans un crépuscule d'été, avec ce juste mélange d'ombres languissantes et de lumières mourantes. Ce même crépuscule qui ouvre et ferme le film. Ce même crépuscule qui ouvre l'âge adulte tout en marquant la fin de l'adolescence. La métaphore visuelle du feu d'artifice, qui revient régulièrement au cours du film, cette lueur tremblante qui palpite et scintille avant de disparaître, vient célébrer et magnifier cette unique vérité : c'est bien parce que la vie est brève qu'il faut la porter bien haut et la faire briller intensément. La partition musicale au piano d'Akira Kosemura, entre valse, ballade et fugue, contribue aussi grandement à cette atmosphère douce amère.
L'autre atout du film réside dans la caractérisation de ses personnages. Tomoya, Aoi et Ryo nous sont déjà présentés comme des fantômes, des êtres à la dérive. Tomoya, qui rêve d'être artiste, souffre de ne pas développer son don pour le dessin, poussé par une mère intraitable dans des études qu'il n'aime pas et dans lesquelles il ne s'épanouit pas. Quant à Aoi, elle est victime de harcèlement dans son école, humiliée et persécutée par un groupe d'élèves, poussée à bout et ne voyant aucune issue à sa situation. Enfin, Ryo, qui se sait condamné par une maladie incurable et dont les jours sont comptés. Trois êtres perdus, isolés, incompris, trois échantillons d'humanité blessée qui vont se rapprocher les uns des autres et sceller leur étrange amitié. Et c'est grâce à Ayane, figure douce et joviale, taquine et bienveillante, qu'ils vont apprendre à dépasser leurs tourments. En enquêtant sur les circonstances de la mort de la jeune fantôme, en apprenant la vérité sur sa tragique disparition, c'est bien la force, le courage et l'espérance qu'ils trouveront. La force de porter leurs peines. Le courage de les affronter. L'espérance, enfin, de les surmonter.
Né le 02 décembre 1994, loundraw, du haut de ses 29 ans, est un illustrateur, auteur, character designer et réalisateur d'origine japonaise.
Débutant sa carrière dans l'illustration numérique et le design, il se fait déjà remarquer par la profondeur de ses couleurs et ses jeux de lumières. Il est approché par le monde de l'animation en 2018, où il signera les illustrations conceptuelles qui serviront à la réalisation du film Je veux manger ton pancréas de Shin'ichirô Ushiijima. Il renouera l'expérience en collaborant sur les travaux préparatoires pour le film du studio Bones : Josée, le Tigre et les Poissons en 2020. ou encore la série de science-fiction Vivy : -Flourite Eye's Song-, adapté d’une œuvre originale de Tappei Nagatsuki (Re:Zero -Starting Life in Another World).
En 2022, il réalise son premier film Summer ghost au sein de Flat Studio qu’il fonde en 2019. Il signe ainsi sa première grande œuvre à la fois personnelle et tournée vers la société.
Il est également l'auteur et le dessinateur de la série manga Derrière le ciel gris (2020), Rendez-vous au Crépuscule (2020) et Summer Ghost (2023), adapté de son propre film.
Il est aussi membre du groupe CHRONICLE dont il écrit les paroles.
"Nous commençons tous notre vie sur un crépuscule admirable" (René CHAR)