On connait bien Alphonse Denis : homme politique (maire, conseiller régional, député), jardinier, acclimateur émérite, historien, promoteur de la ville d'Hyères, amateur de mondanités... Il eut pourtant une autre vie, avant de découvrir Hyères, une vie moins documentée dans laquelle, soldat, il voulut devenir écrivain...
En 1821, après avoir quitté l'armée faute de perspectives, Alphonse Denis (1794-1876) fréquente assidûment les salons parisiens où se mêlent écrivains, peintres, hommes politiques et femmes lettrée, issus de la bourgeoisie ou de la noblesse. On y parle parfois intrigues politiques mais surtout Belles-lettres, poésie et théâtre. Attiré par cette vie tout aussi intellectuelle que mondaine, Denis essaie de collaborer à diverses revues sans vraiment parvenir à s'imposer et se lance dans l'écriture d'une pièce de théâtre, une comédie en un acte et en vers qu'il intitule L'ami du mari ou La Bague et qui se veut être une comédie de mœurs.
Page de titre du manuscrit
L'intrigue en est fort simple : Le brillant Florville cherche à séduire Evelina, femme d'Alfred Dorfeuil, son ami. Ce dernier, marié depuis deux ans, a porté ses hommages à une baronne, qui reçoit en même temps ceux de Florville, et qui donne à celui-ci une bague, le présent même de Dorfeuil. Evelina, s'apercevant que son mari n'a plus ce bijou qu'il a reçu d'elle, conçoit des soupçons, que les réponses embarrassées d'Alfred ne confirment que trop. Pour corriger son mari , elle affecte de recevoir avec plaisir les visites assidues de Florville, au doigt duquel elle retrouve la bague. Dorfeuil, devenu jaloux, sent renaître son amour et sa tendresse passée, et jure de ne plus jamais être volage ; tandis que son soi-disant ami est éconduit avec une leçon de la sage Evelina et disparaît.
Après plusieurs refus, la pièce est finalement jouée au Second Théâtre-Français (désormais Théâtre de l'Odéon) le 12 mars 1822. Les critiques sont partagés. Certains parlent d'un manque d'élégance, d'autres reproche à Denis l'absence de châtiment pour le séducteur Florville ou un manque de fond malgré une joli écriture. Denis fait éditer le livret à Paris mais la pièce ne lui apportera pas la renommée escomptée. Il renonce alors à l'écriture et ses ambitions ne En 1824, il découvre Hyères et s'y installe.
Devenu maire de la ville en 1830, Alphonse Denis, s'attelle au développement du tourisme d’hiver de luxe à travers, notamment, la modernisation de la ville et la mise en place d’une politique culturelle ambitieuse. Alphonse Denis finance alors, en 1834, avec sa propre fortune, la construction d’un théâtre à l'italienne sur une parcelle de terrain qu'il offre à la ville. Il faut dire qu'à cette époque, Hyères manque encore d'infrastructures touristiques et il n’existe pas dans la ville de lieux de spectacles destinés aux hivernants qui résident à Hyères chaque année entre les mois d’octobre et d’avril. Le théâtre - qui prendra le nom de Denis à la mort de celui-ci - accueille alors des opérettes et des opéras comiques, en conformité avec les goûts de l'époque en matière de spectacle. L'émergence d'autres structures de loisirs (le Grand Casino), puis l'évolution des pratiques culturelles des hyérois et des touristes le condamnent un temps à l'indifférence. Réhabilité, rénové, le théâtre Denis retrouve à la fin du 20e siècle son lustre d'antan et redevient un des éléments important de la vie culturelle à Hyères. Deux siècles après sa rédaction, L'ami du mari ou La Bague n'y a jamais été jouée. Le manuscrit de la pièce est quant à lui conservé dans les Réserves de la médiathèque et peut être consulté en ligne.
L'ami du marie ou La Bague
Manuscrit d'Alphonse Denis
Reliure percaline rouge, format à l'italienne (22 x 29 cm), 21 feuillets rédigés recto-verso.
MS 34