La vie privée d’un sénateur retrace avec agilité le parcours d'un homme qui sacrifie la stabilité de sa vie de famille pour la recherche du pouvoir à plus grande échelle. Il se concentre sur le traitement de thèmes importants comme le pouvoir et le sexe, l’adultère et l'hypocrisie, la corruption et les compromissions.

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Jerry Schatzberg a commencé sa carrière dans les années 60 comme photographe de mode pour des magazines comme Vogue, Cosmopolitan ou Life. Il est célèbre pour ses portraits d'icônes (Bob Dylan, Andy Warhol, Catherine Deneuve, et bien d’autres) qui ont guidé sa manière de travailler plus tard avec les acteurs, en gagnant leur confiance pour en extraire leur identité profonde. Après avoir réalisé quelques publicités télévisées, il fait ses débuts à la réalisation en 1970 avec Portrait d’une enfant déchue avec Faye Dunaway.

Ses meilleurs films mettent en lumière les exclus de la société américaine, les toxicomanes et les marginaux. Ces trésors ont inexplicablement été négligés par le Nouvel Hollywood. Peut-être parce que contrairement à Scorsese, De Palma, ou Coppola, Schatzberg ne s’est pas efforcé de créer une signature - thématique et stylistique - ni d’imposer de modèle visuel unique. Ce style caméléon a contribué à façonner chacun de ses projets en concentrant ses compétences cinématographiques dans la création d’une atmosphère d’authenticité, dans l’élaboration de montages dynamiques, et dans sa direction d’acteurs. De fait, Schatzberg est aujourd’hui injustement moins reconnu et moins honoré que ses pairs, discrètement écarté de l’histoire héroïque du cinéma américain des années 1970, même si deux films de début de carrière, Panique à Needle Park (1971) et L’Epouvantail (Palme d'or au Festival de Cannes en 1973) sont des exemples de vitalité innovante et d'inventivité.

Le titre original de La vie privée d’un sénateur est The Seduction of Joe Tynan, plus trompeur que sa transposition française, tout comme l’idée selon laquelle le film parle de politique. D’une part, Tynan, bien que certainement assez humain pour se laisser éblouir par suffisamment de flatterie, n’est pas assez passif pour être séduit. D’autre part, il n’est pas assez froid pour s’intéresser uniquement à la vie politique.

Joe Tynan est un sénateur libéral de New York qui est considéré par beaucoup comme un possible candidat à la présidentielle. Son emploi du temps chargé établit et maintient un contact constant avec les électeurs. Chez lui à Westchester, sa femme et leurs deux enfants se sentent négligés. A Washington, le sénateur Birney, le mentor de Joe, lui demande de ne pas s'opposer à son candidat du Sud à la Cour suprême. Cependant, lorsque Tynan reçoit le témoignage de Karen Traynor - une avocate du travail avec laquelle il entame une liaison - qui dénonce le racisme du juge, il décide de revenir sur sa parole, à l’encontre de son vieil ami.

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Joe Tynan est en proie à des tentations, à des erreurs de jugement et à des circonstances malheureuses qui le jettent dans une situation difficile à contrôler, compromettant son pouvoir et son influence. Il n’est pas tout à fait crédible en tant que politicien, mais c’est un personnage chaleureux, sensible et intelligent. Le scénario, écrit par le comédien Alan Alda (qui interprète le rôle principal) et vaguement inspiré de la vie de Ted Kennedy, est suffisamment ambitieux pour aborder toujours plus de perspectives de la vie de Tynan que lui-même ne peut en gérer confortablement. Le problème principal de Tynan est de savoir comment empêcher sa femme, ses enfants, sa maîtresse de le fuir. Ce risque de dispersion entrave la carrière qu’il souhaite ambitieuse.

Joe Tynan se présente comme quelqu’un qui se soucie véritablement de ses différents intérêts, même conflictuels, et qui a un talent naturel pour faire des choix judicieux.

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Schatzberg exploite la douceur professionnelle de Tynan, mais il ne donne jamais à l'homme assez de cruauté pour correspondre à son prétendu charisme, ni assez de charisme pour expliquer son statut de héros national en herbe. Une scène cruciale à la fin du film le montre, sur le point de prononcer un discours de nomination à la Convention nationale démocrate, plus désireux d'avoir une conversation à cœur ouvert avec sa femme que de prononcer le discours. En effet, alors qu'il se tient devant un auditorium rempli de délégués enthousiastes, la plus grande satisfaction qu’il reçoit est le sourire de celle-ci, aussi peu plausible que cela puisse paraître dans le domaine de la politique nationale.

La vie familiale compliquée du sénateur pourrait bien être celle de n'importe quel homme qui atteint soudainement une célébrité allant au-delà de ses espérances. Barbara Harris incarne l'épouse brillante et admirablement autonome de Tynan, dont il est visiblement très amoureux, en évitant le stéréotype de l’épouse d’un homme politique. Karen Traynor (Meryl Streep, déjà époustouflante), exerce sur lui une emprise tout aussi tangible en avocate décontractée, intelligente et irrésistible. La réussite remarquable de Karen est de maintenir Tynan en perpétuel déséquilibre, de transformer une affaire prévisible en une source de surprises constantes. Pour donner du sens à leur romance, Schatzberg n’hésite pas à exagérer la facilité avec laquelle Joe arrive à manœuvrer sa vie avec deux femmes merveilleuses. Toutefois, vers le milieu du film, quelque chose de plus complexe s'impose graduellement. Joe Tynan, après s'être enfoncé dans une impasse, prend une soudaine autonomie et un nouvel envol, et rend La Vie privée d’un sénateur d’autant plus captivant, subtil et attachant.

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